Les emplois étudiants à l’université

Une article du Monde daté du jeudi 1 décembre, disponible pour les abonnés ici
L’université employeur de ses étudiants

fait état de la tendance au recours à des moniteurs étudiants, dans les laboratoires d’une part, dans les bibliothèques d’autre part.

Directement concerné par cette deuxième catégorie puisque je suis moi-même employé à ce titre, j’attendais de l’article autre chose qu’une simple description faisant état d’un avantage : l’expérience que l’université apporte à l’étudiant.

Cette expérience est effectivement des plus formatrice, il ne reste plus qu’à espérer qu’elle me permettra de me prévaloir de cette expérience auprès d’un futur employeur. J’ai seulement peur que ce type d’expériences ne bénéficie pas d’une bien grande considération…

Autoroute

« -La construction française, c’est très simple : vous ajoutez des choses qui ont un sens entre elles, la somme des deux forme un nouveau mot, somme des deux sens.

-Madame, je ne comprends pas.

-Bien, prenons un exemple. « mobile », par exemple, signifie un objet qui bouge, qui est mobile, qui se déplace, si vous préférez. Ajoutez « auto » devant, cela signifie « tout seul », comme une machine automatique par exemple. Nous obtenons donc – un silence de cinq secondes suffit à suspendre la classe à ses lèvres – l’automobile !

Je sentais alors un bouillonnement juvénile s’emparer de la classes : chaque enfant tenter dans sa tête d’inventer de nouveaux mots selon l’exemple, finissant par se rendre compte que chaque exemple était valable. Marie Brézolin, une fille extravertie et bavarde, tenta sa chance oralement :

-Heu, Madame, c’est comme autoroute alors ?

-Absolument Marie, c’est tout à fait ça ! »

C’est, je crois, le premier souvenir de désillusion : j’avais de sérieux soupçons sur les gens – on ne dit pas « hommes » à cet âge-là – je savais enfin la seule chose nécessaire à l’avancée intellectuelle : les hommes mentent.

Ce n’est pas le seul exemple ; c’était récurrent.

Et le flottement des romans, des films et des chansons populaires annonçant le mensonge étaient eux aussi plein de mensonge : les gens mentent sans flottement, directement.

Bibliothèques obligatoires au Royaume-Uni

Très ironiquement, les seules bibliothèques légalement obligatoires au Royaume-Uni sont celles des centres pénitentiaires.

Plus d’information sur le sujet auprès du CILIP ici :

http://www.cilip.org.uk/get-involved/special-interest-groups/prison/pages/about.aspx

Pas de contrainte administrative dans les BU anglaises.

Les Anglais n’ont pas notre rigueur administrative, et c’est souvent à leur avantage. Un exemple :
lors du stage que j’ai effectué à la Hallward Library de l’University of Nottingham, je remarquai l’absence de dictionnaire Larousse alors que les rayons étaient excessivement chargés de Petit Robert.

A ma remarque, le bibliothécaire en charge du rayon a répondu par un silence amusé, et des gestes : de son porte-feuille personnel, il tire un billet de 50 livres, et me prie de bien vouloir aller en face, à la librairie Waterstone’s, chercher cet usuel qui manque tant. Évidemment interloqué comme tout habitué des bibliothèques françaises l’aurait été, je suis passé pour un empoté (et un bureaucrate, je le crains). La seule démarche administrative nécessaire a été l’envoi du ticket de caisse au rez-de-chaussée, au service comptable.

Cette anecdote pour dire à quel point le système anglais libère le bibliothécaire en comparaison du nôtre ! Sans même parler des stagiaires comme moi qui pour ce stage n’ai eu besoin que d’un CV et d’une entretien de 5 minutes (dans un anglais très moyen, d’ailleurs), sans signature ni papier…

Se mettre aux normes en bibliothèque, est-ce forcément se séparer de la moitié de ses livres ?

La Hallward Library comme exemple de mise aux normes.

À l’université de Nottingham, le choix a été fait de profiter de la « digitalization of the Collections » (désherber en remplaçant par des ressources numériques plus d’un quart des ressources et mettre en place une « High Use Collection », différente de la « Short Loan Collection », en attendant davantage) pour procéder à la mise au norme des rayonnages (c’est-à-dire la mise en place d’étagères d’un peu plus d’un mètre de haut, pour les personnes en fauteuil).

La photographie ci-dessus, que j’ai pu prendre à la Hallward Library, bibliothèque universitaire de sciences humaines et sociales, lors d’un stage au mois d’août 2011, montre assez bien le changement : à droite une étagère d’antan, plus haute que l’intimidé lecteur ; à gauche l’étagère moderne, que chacun peut dominer du regard..

Même si l’on en tire des avantages évidents (clarté, espace pour l’utilisateur, aucune exiguïté), c’est déroutant. J’ai eu à mener à bien les bases de ce projet pour les collections de littératures française, allemande et néerlandaise.

Et la confiance des anglo-saxons dans le système éditorial (et souvent privé : les Classiques Garnier Numérique comme seule source par exemple) est désarmante.

La solution a priori anglaise à la mise au norme des rayons est donc d’en profiter pour désherber a maxima. Pour faire d’une pierre deux coups.

Hortensius

Un seul hortensia dans mon jardin cette année. À l’ombre, la fleur fait figure de prou et de courage.

la jalousie

La jalousie découverte à chaque grande surface spécialisée, et pourtant je sais pertinemment que je ne voudrais pas être à la place de la personne que j’envie. J’envie seulement l’idée du succès et de l’admiration. Mais je vois cette idée partout : en video, en presse bibliothéconomique spécialisée, en document usuel, en radio, et en littératures.

Et je ne voudrais pas y être.

8h de train, 1h de retard et du monde : l’imagination divague

Elle baillait comme un lion rugirait, comme énervée face à son écran de téléphone. Elle compulsait les touches du clavier, veillant sûrement à l’arrivée de nouveaux messages sur ce maudit téléphone qui la tenait éveillée le long de ce Grenoble-Bordeaux.
Dimanche soir, TGV vide, l’écran de son téléphone l’exciterait assez pour qu’elle ne s’endorme que vers trois heures du matin.
Comme un timide cochon d’Inde, elle tressautait à chaque inconnu croisé dans le train. Et tous étaient inconnus. Elle fermait les yeux, mettait son casque à musique branché au téléphone, et pensait à sa semaine.
Lundi. Rien, sinon travailler à la bibliothèque.
Mardi. Rien, sinon travailler pour la bibliothèque.
Mercredi. Rien, sinon travailler à la constitution de sa bibliothèque personnelle.
Jeudi. Travailler à son avenir professionnel (entraînement aux exercices du concours, veille internet, entretien du réseau).
Vendredi. Travailler à son avenir personnel (ménage, courses, factures).
Et puis elle reprendra le train, face à ce même inconnu au cheveux en formes de flammèches, si n’étaient quelques pellicules qui donnaient trop de terne à l’ensemble pour pouvoir le qualifier de flamboyant. Dommage.
Elle avait choisit une place côté fenêtre lors de la réservation pour pouvoir observer les changement de paysage de Grenoble à Bordeaux. Elle oubliait alors que le voyage se faisait de nuit.
Le train était de ceux qu’on trouvait modernes dans les années quatre-vingt dix, rayés de gris et de turquoise, spacieux et froids, inconfortables et impersonnels. Une mode passée désormais.
Sa tenue à rayures exotiques ne dépareillait pas de l’ambiance à bord. Personne malheureusement ne semblait en mesure de lui en faire part : tous dormaient ou, fébrilement, tapotaient sur leur téléphone portable sans remarquer les gens alentour. Après tout, c’étaient des inconnus.
Le problème étant qu’en 2011 et en France, les inconnus étaient condamnés à le rester. La solitude était un mal qu’on préférait à la confrontation à l’inconnu. Cet inconnu était considérait comme poétique, comme fantasmatique, et le vaincre eut été de trop (une déception et une rupture du confort).
Il fut évidemment un homme pour rompre l’ennui et aborder notre protagoniste, lui demandant gauchement l’heure. Face à tant d’impudeur, notre protagoniste ne put s’empêcher de répondre, aucune répartie pertinente ne venant à ses lèvres.
– 22h42, répondit-elle donc sèchement.
– Merci, et à quelle heure arrivons-nous à Agen ?
La question était de trop, mais il y avait d’autres gens dans la voiture 12 du train. Il fallait donc répondre :
– Ecoutez, je n’en sais rien, je descends à Bordeaux moi ! Elle s’empourprait, et s’agaçait de se sentir rougir pour cet imbécile.
– Bordeaux ? Ho j’ai connu cette ville avant le tramway : ne l’a-t-il pas trop défigurée ?

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