La revue de l’association des bibliothèques suédoises Bibliotheksblad a publié un dossier « Bibliothèque à vendre » dont je vous propose un résumé personnel.

Capture de l’émission Maison à vendre
La revue Biblioteksblad a enquêté sur la mise sous gestion privée de bibliothèques, prévue actuellement dans plusieurs communes. C’est la commune de Nacka, en banlieue de Stockholm, qui a fait parler d’elle ces dernières semaines en raison de l’entreprise choisie pour cette gestion (voir plus loin). Mais force est de constater que la pratique est amenée à être étendue dans d’autres communes du territoire suédois.
Le motif est-il économique ?
Les différents acteurs interrogés par Biblioteksbladet se montrent peu diserts, mais l’élu à la culture de Täby, Robert Stopp, affirme qu’il ne s’agit pas d’un objectif économique mais d’un objectif de diversité, afin d’avoir des relations plus diverses avec les différents acteurs de la commune. Selon lui, la gestion privée ne coûtera pas moins d’argent. Ce n’est pas le but.
Des précédents plus ou moins concluants
Il existe en fait deux précédents. Hällefors, d’abord, une ville qui a laissé en gestion privée les activités de sa bibliothèque depuis le début des années 90. Dans cette petite commune du centre de la Suède, c’est le libraire local qui gère en plus de l’office de tourisme la bibliothèque. En fait, des communes rurales ont déjà confié depuis longtemps la gestion de leurs bibliothèques à des acteurs privés : des bénévoles. Organisé.e.s en associations à but non lucratif, ils illustrent de fait que c’est possible.

Åre, station de ski la plus importante de Suède
Le deuxième précédent est à Åre en 1991. Après une année de délégation de service public, l’entreprise fit faillite. Le personnel de la bibliothèque proposa alors de reprendre la gestion, pour un budget un peu plus élevé. La commune préféra récupérer la gestion des activités de la bibliothèque.
Et les bibliothécaires dans tout ça ?
Dans les bibliothèques qui ne sont pas gérées par des bénévoles, la gestion privée pose également la question des personnels. Pour ce qui est du ménage et de l’informatique, par exemple, il s’agit déjà d’acteurs privés dans la plupart des bibliothèques. Restent donc les activités bibliothéconomiques à proprement parler : pour celles-ci, les agent.e.s des bibliothèques en Suède ne sont pas fonctionnaires (il n’y a plus de fonction publique en Suède). A Nacka, il s’agit donc d’un transfert de gestion RH classique avec reprise des salarié.e.s pour ceux et celles qui le souhaitent : les autres pourront obtenir d’autres postes au sein de la commune.
Qui veut gérer des bibliothèques ? L’exemple d’une entreprise qui connaît bien les bibliothèques
En Scandinavie, l’éditeur de SI Axiell assure une position dominante : 90% des bibliothèques publiques nordiques utilisent en effet un ou plusieurs de ses produits. Pour avoir utilisé leur SIGB Book-IT, leur CMS/OPAC Arena et leur système d’ouverture de la bibliothèque grâce à la carte d’usager, je reconnais que ces produits sont très satisfaisants. Cette position dominante de la société s’étend, et elle a racheté de nombreuses sociétés, comme Mobydoc en France en 2016.

Logo de l’entreprise Axiell
Aujourd’hui, Axiell semble développer d’autres intérêts : elle vient d’obtenir de la commune suédoise de Nacka la gestion de 3 bibliothèques sur 6 à partir du 1er janvier 2019.
Mais pourquoi Axiell souhaite-t-elle gérer des bibliothèques ? D’après le directeur général, Joel Sommerfeldt, interviewé par la Biblioteksblad, il existe aujourd’hui un risque pour les bibliothèques de ne plus être vues comme nécessaires. Or, sans bibliothèque, point d’Axiell. Il s’agirait donc d’assurer et de montrer l’intérêt des bibliothèques aujourd’hui pour assurer leur subsistance. D’après leur réponse à l’appel d’offre de la commune de Nacka, que la Biblioteksblad a consulté, Axiell souhaite « lier le physique et le numérique, développer les ambitions numériques de la bibliothèque et en même temps amener les acteurs locaux dans les bibliothèques. » Un objectif partagé par bon nombre de bibliothécaires…
[…] Accéder à l’article […]